En fin d’après-midi, la traction noire de Charles Cavaillé, un drapeau tricolore accroché à chaque portière, avait fait quelques passages par la rue centrale.
Le 8 mai, une cérémonie plus solennelle, réunissait les chefs d’états major belligérants, le maréchal Keitel, représentant l’Allemagne, voyant que le général Delattre de Tassigny faisait partie de la délégation alliée s’était étonné ouvertement « comment la France aussi! »
Le 8 mai 1945 fut une belle journée, un ciel bleu, pas un brin de tramontane comme si le temps aussi, voulait fêter la victoire. Après une journée de travail, les habitants de Latour Bas Elne, majoritairement agriculteurs à cette époque, s’empressaient de rentrer chez eux pour écouter à la radio le général De Gaulle, chef du gouvernement, s’adresser à la nation » la guerre est gagnée, voici la victoire des nations unies et la victoire de la France ».
Vers 13h00 toutes les cloches du département ont sonné en même temps. J’étais en haut du clocher avec une dizaine de garçons de mon âge, il y avait aussi François Sumala, militaire de carrière en permission ce jour-là, perché sur les armatures du campanile. Comme le temps était très calme, pendant un court instant, quand on remplaçait le sonneur, on pouvait entendre les cloches d’Elne et de St Cyprien qui sonnaient aussi à la volée.
Le 8 mai 1945 fut une grande et longue journée de joie, on l’attendait depuis longtemps, mais la fête n’a pas pu être si complète car à Latour Bas Elne, qui était composée du quart de la population actuelle, il y avait une vingtaine de familles qui attendaient le retour de l’un des leurs. Prisonnier, déporté S.T.O (Service du Travail Obligatoire) ou réfractaire. Les derniers temps de la guerre avaient été mouvementés, et plusieurs familles n’avaient pas eu de nouvelles pendant de longs mois, d’autres en avaient reçu de mauvaises dont certaines depuis 1940. J’ai une pensée pour toutes ces familles qui n’ont pas eu la joie comme beaucoup d’autres de fêter le 8 mai 1945.
La guerre était finie, les cloches sonnaient, le soleil brillait, il augurait une longue paix.
J’avais 15 ans.
Camille Pic