Les documents ci-dessous sont extraits des « Cahiers de Saint Jacques » et rédigés par M.Pierre Bertran de Balanda.
Le Xème siècle
Le village de Latour-Bas-Elne est mentionné pour la première fois au Xème siècle, sous le nom de Atiliac en 914, ou Aziliac en 938. Il était situé sur la voie romaine, appelée par la suite Carretera de Carles, laquelle franchissait le Tech non loin de là à gué, du moins au Xème siècle. Une tour, à usage de vigie pour la surveillance de la côte toute proche, y existait dès cette époque. Elle apparut en 938, à l’occasion de la vente faite par Gairoardus, fils d’Alienardus, à l’évêque d’Elne, Wadalde, de son alleu (domaine héréditaire conservé en toute propriété). Il s’agissait des deux tiers de la villa de La Tour , lieu autrefois appelé Arsiliac, avec les maisons, les cours, les jardins, les terres et surtout, l’église Saint Jacques. La villa de la Tour et son église passent alors sous la domination de l’évêque d’Elne. C’est un acte très important qui témoigne de la référence la plus ancienne de l’église Saint-Jacques, ainsi que de l’existence d’une fortification, en l’occurrence une tour, celle-là même qui donnera son nom au village, chose exceptionnelle, car au Xème siècle, les mentions de fortifications sont rares.
C’était une tour de défense qui devait certainement être constituée de bois, en majeure partie, et dont il ne reste plus aucun vestige de nos jours. Elle devait se situer sur le point le plus haut du village, probablement sur l’emplacement actuel de l’église, du moins à ses abords.
Grâce toujours à cet acte, la délimitation du village de Latour Bas Elne est connue dès le X° siècle, et c’est encore sensiblement la même chose aujourd’hui : à l’est le vilar Marti (disparu), au sud, le milieu du lit du Tech, à l’ouest le territoire de Palol d’Avall, au nord le territoire de la villa de Saint Cyprien. Cette vente avait été faite à l’évêque Wadalde personnellement, et sept ans plus tard, en 945, il donnait “en franc alleu” à l’église d’Elne, ces mêmes deux tiers de “la villa d’Aziliac », dite « La Tour, près d’Elne ». Après 955, cette dernière appellation prévaut définitivement sur celle d’Aziliac.
Le XIIe siècle
La Tour réapparaît dans les manuscrits, lorsque l’évêque d’Elne, Ermengaud, donne à son Chapitre, en 1109 “l’église de La Tour, avec son presbytère, ses alleux et le revenu affecté au prêtre”. L’importance de la fortification et du système de défense du village a sans doute évolué, dans le sillage d’un espace protégé créé autour de l’église : la cellera. La cellera (qui signifie greniers, cellier) a joué un rôle majeur dans la naissance du village de Latour. Elle a été formée spontanément sur l’aire consacrée autour de l’église, dans un mouvement de recherche de sécurité face aux violences des guerriers, des chevaliers.
Autour et protégé par l’église, un cercle de 30 pas constituait un espace d’immunité et de refuge, dans lequel les paysans de Latour venaient engranger leurs récoltes à l’abri des pillages. Progressivement, en plus des celliers, ils commencèrent à construire des habitations à l’intérieur et le village se développa autour. Ainsi, dans la première partie du 12e siècle, un nouveau personnage apparaît : le seigneur de Latour. Il se nomme Arnaud de Latour et a reçu en fief du Chapitre d’Elne, “le lieu et l’église de La Tour avec son presbytère, ses rentes et ses dépendances”. Et en 1134, un document mentionne la présence sur le territoire de Latour Bas Elne, de celliers (la cellera) dépendant de cinq manses (mas et terres) tenus pour Arnaud de Latour, mais appartenant au temporel de l’évêque d’Elne, selon l’accord passé entre l’évêque Udalgar et Arnaud de Turri. Le village était alors placé sous la seigneurie directe de l’évêque. Mais ce qui n’était pas prévu, c’est que le châtelain (“castlan”), Arnaud de La Tour, chargé de garder la tour, tente de s’approprier les récoltes conservées dans les celliers, ainsi que d’autres revenus qui appartenaient à l’évêché, en particulier ceux des justices ….
A Latour comme dans d’autres lieux, la seule mention que nous possédions des celliers est contenue dans un acte relatif à un conflit entre autorité ecclésiastique et châtelains. Car, forte personnalité, Arnaud de la Tour s’impose en véritable seigneur, oubliant vite que les possessions qu’il tient en fief appartiennent en fait à l’évêché d’Elne. . Il y eut en effet, de fortes tensions, oppositions, luttes (“contentiones”) entre Arnaud et l’évêque Udalgar. Dans cet acte, on y évoque les vols, les larcins, les extorsions commis par Arnaud et ses hommes contre les dépendants de l’évêque. Puis, un accord est finalement trouvé au sujet des droits de justice, et les biens de l’évêque sont confirmés (il retrouve le contrôle définitif sur la paroisse). Mais Arnaud y gagne en importance et c’est en grand seigneur de la Tour qu’il apparaît dans d’autres documents, sa signature devenant une garantie d’authenticité, parmi d’autres nobles bien connus. En 1139, on parle même, du “castrum de Turri” (le château de La Tour) dans l’acte de donation de “la paroisse Saint Jacques de La Tour”. Ce qui évoque un fort développement du système défensif du village.
Le XVIe siècle
Mais, au début du 16e siècle, en 1501, un document évoque le “castrum détruit de La Tour”, expliquant le peu de vestiges très visuels qui subsistent de nos jours dans le centre du village. Il s’agit pour l’essentiel de la base du clocher. Toutefois, on remarque l’implantation assez régulière et circulaire, des habitations autour de l’église, et il est possible d’imaginer le mur d’enceinte qui se dressait sur le pourtour, percé de rares portes (porches), passages vers l’extérieur.
Jusqu’à la fin de l’ancien Régime, la domination des évêques d’Elne sur les terres et la paroisse de Latour se poursuivit. Dans la seconde moitié du 19e siècle, Latour était encore la résidence d’été de l’évêque d’Elne. Il séjournait dans la grande demeure située à l’entrée du village (aujourd’hui propriété privée de Mr et Mme d’Arexis).